La réalisation de la forme personnelle du Seigneur est le stade de perfection le plus élevé du yoga.
La réalisation de la forme personnelle du Seigneur représente le stade le plus élevé de perfection dans le yoga. Dans le sixième chapitre de la Bhagavad-gita, où la pratique du yoga est détaillée, cette réalisation est qualifiée de perfection du yoga. Après avoir pratiqué les postures assises et d’autres principes régulateurs du système, on parvient finalement au stade du samadhi, qui correspond à l’absorption dans le Suprême. À ce niveau, il est possible de percevoir la Personnalité Suprême de la Divinité sous sa forme partielle de Paramatma, ou telle qu’elle est réellement. Le samadhi est décrit dans les écrits de yoga faisant autorité, comme les Patanjali-sutras, comme un plaisir transcendantal.
Le système de yoga présenté dans les écrits de Patanjali est considéré comme une référence, tandis que les yogis modernes, qui élaborent leurs propres méthodes sans se référer aux autorités reconnues, apparaissent tout simplement ridicules. Le yoga de Patanjali est connu sous le nom d’astanga-yoga. Il arrive que les impersonnalistes altèrent le système de Patanjali en raison de leur vision moniste. Patanjali affirme que l’âme ressent une satisfaction transcendante lorsqu’elle rencontre et perçoit la Sur-âme. Si l’on reconnaît l’existence de la Sur-âme et de l’individu, la théorie impersonnaliste du monisme s’effondre. C’est pourquoi certains impersonnalistes et philosophes de la vacuité interprètent le système de Patanjali à leur manière, déformant ainsi tout le processus du yoga.
D’après Patanjali, quand une personne réussit à se libérer de tous les désirs matériels, elle atteint sa véritable nature, transcendantale, et cette réalisation est qualifiée de pouvoir spirituel. Dans le domaine matériel, les individus sont influencés par les modes de la nature matérielle. Leurs aspirations sont : (1) être religieux, (2) s’enrichir financièrement, (3) satisfaire leurs sens, et enfin (4) ne faire qu’un avec le Suprême. Selon les monistes, lorsqu’un yogi s’unit au Suprême et perd son existence individuelle, il atteindrait le plus haut stade, connu sous le nom de kaivalya. Toutefois, en réalité, le véritable stade de réalisation de la Personnalité de la Divinité est kaivalya. La compréhension que le Seigneur Suprême est entièrement spirituel permet, dans une réalisation spirituelle complète, de saisir sa véritable nature – la Personnalité Suprême de la Divinité – ce qui est aussi appelé kaivalya, ou dans le langage de Patanjali, la réalisation du pouvoir spirituel. La proposition de Patanjali est qu’une fois libérés des désirs matériels et ancrés dans la réalisation spirituelle du soi et du Suprême, on atteint ce qui est désigné par le terme cit-sakti. Dans une pleine réalisation spirituelle, on éprouve un bonheur spirituel, décrit dans la Bhagavad-gita comme le bonheur suprême, au-delà des plaisirs matériels. La transe est décrite comme étant de deux sortes : samprajnata et asamprajnata, représentant la spéculation mentale et la réalisation de soi. Dans le samadhi ou asamprajnata, on peut appréhender, grâce à ses sens spirituels, la forme spirituelle du Seigneur. Cela constitue le but ultime de la réalisation spirituelle.
Selon Patanjali, lorsqu’on est ancré dans la réalisation constante de la forme suprême du Seigneur, on atteint le stade de la perfection, comme l’a démontré Kardama Muni. Si ce niveau de perfection n’est pas atteint – au-delà des étapes préliminaires du système de yoga – il n’y a pas de réalisation ultime. Le système de l’astanga-yoga comprend huit perfections. Celui qui les a réalisées peut devenir plus léger que le plus léger et plus grand que le plus grand, ainsi que réaliser tout ce qu’il désire. Cependant, même le succès matériel dans le yoga n’est pas la véritable perfection ni le but ultime. Le but ultime est ici défini : Kardama Muni a vu la Personnalité Suprême de Dieu dans Sa forme éternelle. Le service de dévotion débute par la relation entre l’âme individuelle et l’âme suprême, ou entre Krishna et les dévots de Krishna, et une fois cet état atteint, il n’y a pas de retour en arrière. Si, par le biais du yoga, quelqu’un aspire à voir la Personnalité Suprême de la Divinité, mais se laisse plutôt détourner par la quête de pouvoir matériel, il se retrouve bloqué dans sa progression. La jouissance matérielle, soutenue par de faux yogis, est sans rapport avec la réalisation transcendantale du bonheur spirituel. Les véritables adeptes du bhakti-yoga se contentent uniquement des nécessités matérielles de la vie pour maintenir le corps et l’âme ensemble, s’abstenant totalement de toute satisfaction matérielle excessive. Ils sont prêts à endurer diverses tribulations, tant qu’ils peuvent avancer dans la réalisation de la Personnalité de Dieu.
Source : A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada (édition 2014), « Srimad Bhagavatam », Troisième Canto, Chapitre 12 – Texte 21